Pudeur et peau nue

On voit de partout, avec le développement frénétique du yoga en Occident, des photos et vidéos de beaux éphèbes au torse nu qui semblent être dessinés par Michel Ange, des déesses au ventre plat et fesses galbées, aux allures d’amazone… L’œil hésite entre indignation et contemplation, dérangé par cet attentat à la pudeur qui vient malmener nos petits complexes, émerveillé par la beauté et la grâce transmises par cette image…

 

Lorsque j’ai commencé le yoga, je couvrais pudiquement mon petit bourrelet et mes grains de cellulite. Je n’achetais pas de magazine, ne regardais pas de photos et vidéos de yoga, ne suivais pas de super yogi sur Instagram… Vraiment, il me semblait que tout ne devait se passer qu’à l’intérieur de moi et tout ceci sonnait beaucoup trop exhibitionnisme à mes oreilles.

 

Puis mon évolution est venue remettre en question ce point de vue par plusieurs expérience et ressentis (jetés ici un peu pêle-mêle car je ne pourrais les organiser dans une chronologie précise) qui se sont agencés pour tomber ces barrières de mon mental :

 

J’ai pratiqué la pole dance. Comme beaucoup, je ne comprenais pas toute cette peau mise à nue, ces tenues aux superficies de sous vêtements… Alors je suis arrivée à mon premier cours, en leggings jusqu’au chevilles et tee shirt jusqu’au poignet (parce qu’en novembre, ça caille !).  Puis j’ai fait mes premiers pas sur la barre… et j’ai compris ! Si ma peau n’est pas directement en contact avec la pole, ça glisse sur le tissu,  rien ne tient, aucune posture n’est réalisable. Alors petit à petit le tissu s’est retiré pour libérer la peau, et plus j’en enlevais, plus je pouvais réaliser des postures improbables ! Je découvrais alors timidement le champ des possibles que ma peau nue m’ouvrait…

 

En évoluant dans le monde de l’ acroyoga, j’ai été amenée à côtoyer des acroyogi qui pratiquaient, torse nu ou en brassière, sans exhibition, juste parce que le corps en mouvement développe tellement de chaleur, juste parce que l’on est plus libre de ses mouvements et plus confortable ainsi. En confiance dans cet environnement, je faisais de même lorsque j’en avais envie, et je continuais de découvrir la liberté que m’offrait ma peau nue…

 

Ma pratique en yoga m’a mené sur le chemin du vécu en Conscience de mon corps. J’apprends à le connaitre en profondeur, à l’explorer, nous nous emmenons mutuellement dans des espaces que mon mental avait décidé impossible, je m’émerveille de ses possibilités, j’apprends à le choyer et à prendre soin de lui et il me le rend avec tellement de grandeur. J’ai découvert que plus j’aimais mon corps pour ces ressentis de bien être qu’il me faisait vivre, plus je l’aimais dans le miroir, une magnifique spirale qu’ouvre le yoga sur la voie de l’Amour de Soi. Et lorsque les complexes tombent, les vêtements suivent aisément…

 

Lotus, respiration ventrale et petit bidon
Lotus, respiration ventrale et petit bidon

Alors que mon corps se délie, que ma souplesse et ma force grandissent, j’explore maintenant des postures d’équilibre et d’inversion dans lesquelles j’ai parfois besoin de prendre appui sur un bras, une jambe, un bout de ventre… Et comme en pole dance, tout est plus stable lorsque la peau est en contact avec la peau. Je me rappelle alors de grand yogi comme B.K.S Iyengar, qui pratique en slip… Et ce qui sonnait exhibition prend maintenant des airs d’évidence…

 

Cette évolution de ma pratique du yoga qui me mène dans des territoires inconnus me confronte parfois à une perdition dans mon corps. La tête en bas, une jambe (la droite ou la gauche je ne saurais alors pas le dire) dans une direction improbable, mon dos en hyper extension, mes pieds je ne sais où… j’en perds mes repères. Les retours d’informations que j’ai de mon corps, mes ressentis ne sont plus alors aussi bien compris par mon cerveau, et je n’arrive alors même plus à tenir mon ventre, retroverser mon bassin, m’aligner, car j’en ai perdu le Nord ! J’ai alors découvert que me prendre en photo m’aide grandement à évoluer dans la posture, car mes yeux voient alors ma position, et ces informations visuelles peuvent alors venir traduire à mon cerveau ce nouveau langage que mon corps semble parler. En multipliant les retours d’informations, et notamment en me prenant en photo en toute humilité, j’enrichis ma conscience corporelle.

 

Première tentative un peu bancale d'un scorpion
Première tentative un peu bancale d'un scorpion

Alors que ce long hiver froid avec si peu de soleil commence à reculer devant un printemps encore timide, mon corps ne rêve que d'enlever des couches de vêtements, comme se libérer d'une gangue pour se sentir plus libre, pour que ma peau puisse respirer sans entrave, se connecter au Prana

Alors aujourd’hui, je ne me laisse plus diriger par le juge de mon mental.

Car le yoga c’est ça aussi, la voie du Non-Jugement (peut être un prochain article ?)

 

Je regarde des photos et des vidéos de yoga si j’en ai envie, si elles m’inspirent.

 

Je demande à des personnes de me prendre en photo lorsque j’explore des postures. Parce que ces photos vont m’aider à évoluer. Parce que je suis fière aussi, oui, de ce que je réalise aujourd’hui. Fière, en toute humilité. Et parfois, je diffuse ces photos, non pour parader ou me vanter, mais pour recevoir des conseils, et pour partager ce que je crois profondément, que rien n’est impossible.

 

Et surtout, je m’habille comme j’en ai envie. J’aime libérer ma peau, comme revenir à un état originel, celui de sa naissance, tout nu !

 

Bien sûr je sens parfois autour de moi des regards, les mêmes que ceux que j’ai pu avoir… Mais ces regards n’appartiennent qu’aux personnes qui les portent. Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres… et si les autres sont dérangés par la vision d’une peau nue, ils sont libres de détourner le regard.

 

La voie du yoga est profondément celle du lâcher prise et de l’acceptation… Lâcher prise sur nos interdits mentaux, sur notre regard qui juge, que ce soit les autres, mais surtout Soi-même… Et acceptation, de ce qui est, de nos capacités, de notre progression, de notre corps…

 

Je vous laisse à ces réflexions, à cette discussion avec votre corps dans laquelle le mental n’aurait pas voix au chapitre. Quels sont vos limitations du mental sur lesquels vous auriez envie de lâcher prise ? Et en ouvrant cette petite porte, quel est votre chemin de l’acceptation ?

 

 

Plutôt pudeur ou peau nue… ?